«Quelle est votre part?», un outil de l’OCDE pour comprendre les inégalités

18 juin 2015

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cet institut de réflexion qui regroupe les pays riches, a sonné l’alarme à plusieurs reprises ces dernières années quant aux problèmes causés par des inégalités grandissantes. «Elles sont un germe de division. Elles polarisent les sociétés et bloquent l’ascenseur social», a déjà affirmé son président, Angel Gurrìa. Il soutient que ces écarts importants seraient également néfastes pour la croissance économique.

Dans un ouvrage publié en mai dernier, l’organisation présente de nouvelles données internationales. On y découvre qu’au Canada, le revenu moyen des 10 % des personnes les plus riches est aujourd’hui 8,6 fois plus élevé que celui des 10 % ayant les revenus les plus faibles. Dans les années 1990, ce ratio se situait plutôt à 7.

D’ailleurs, la part des ménages canadiens surendettés est relativement élevée comparée aux autres pays développés. Au Canada, la redistribution ne réduit pas les inégalités autant que dans d’autres pays de l’OCDE, rappelle l’étude.

Concrètement, qu’est-ce que ça signifie dans la vie de monsieur et madame Tout-le-monde?

Un outil interactif

Alliant études rigoureuses et pédagogie, l’OCDE a mis en ligne un outil interactif éclairant pour comprendre les inégalités.

Disponible dans la plupart des langues utilisées dans les pays développés, cet outil grand public vous permet de comparer, en dix clics, la situation de votre ménage à celle de vos semblables. Ainsi, vous saurez si vous êtes riche, pauvre ou dans la classe moyenne.

L’outil permet également de tester vos connaissances sur des aspects liés aux inégalités : par exemple, combien possèdent les 10 % les plus riches? Quel est le revenu minimal pour ne pas faire partie des 10 % les plus pauvres?

Aussi, l’un des exercices permet de comparer la répartition réelle des revenus au Canada avec la répartition idéale souhaitée, de même qu’avec la perception que l’on en a. Il suffit de cliquer une des pyramides de revenus, comme ci-dessous.

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Une question de perceptions

En effet, l’un des attraits de cet outil est de confronter la réalité avec les perceptions que nous avons des inégalités. Nous sommes parfois témoins dans la vie de tous les jours de situations où la richesse et le luxe côtoient l’exclusion et la pauvreté. Toutefois, les études publiées épisodiquement sur les inégalités peuvent être contradictoires et le portrait d’ensemble n’est pas toujours compréhensible pour le commun des mortels.

Malheureusement, il n’est pas rare que des décisions politiques s’attaquent à de faux problèmes, s’appuyant sur les perceptions plus que sur des données. Par exemple, l’approche coercitive envers les criminels prônée par le gouvernement Harper ne prend pas en compte son inefficacité reconnue par les experts, ni le fait que la criminalité au Canada atteignait déjà un plancher historique avant qu’on commence à construire des pénitenciers supplémentaires!

Il en va ainsi aussi pour les inégalités. Depuis l’Antiquité, les penseurs et chercheurs ont défendu l’idée que les inégalités économiques ont des conséquences politiques importantes : elles influenceraient le niveau de redistribution de ressources (en argent et en services publics) reconnu comme étant nécessaire par la population. Elles créeraient aussi de l’instabilité économique et sociale, comme le rappelle le Forum de Davos, tant dans les démocraties que dans les dictatures. Ainsi, les écarts de richesses flagrants entre les amis du régime et le peuple ont alimenté les révolutions du Printemps arabe.

Les arguments et études qui soutiennent que le niveau d’inégalités est important reposent avant tout sur l’état exact de la situation, tenant pour acquis que les citoyens en sont conscients.

Or, selon une nouvelle étude, les citoyens se trompent la plupart du temps quant à leur position dans l’échelle des revenus, ainsi que sur l’évolution réelle des écarts sociaux. L’une des principales conclusions de cette étude est que les attentes de la population, sur le plan de la redistribution de la richesse au moyen des impôts et des transferts sociaux, seraient fortement liées non pas aux inégalités réelles, mais bien perçues! Ainsi, un pays très inégalitaire, mais perçu par ses citoyens comme ayant de faibles écarts de revenus, se satisfera d’un moindre interventionnisme gouvernemental à ce niveau, et vice versa pour un pays égalitaire.

C’est parce qu’il contribue à corriger les perceptions que l’outil interactif de l’OCDE est si captivant.


Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Le mirador des inégalités, de l’Institut du Nouveau Monde.