21 octobre 2015, mis à jour le 16 novembre 2015
Un homme d’affaires québécois nous a interpellés pour connaître la provenance d’une donnée présentée dans notre vidéo produite en collaboration avec l’Institut Broadbent, dans le cadre d’une campagne pour la réduction des inégalités de richesse. Cette vidéo soutient que les PDG canadiens les mieux rémunérés gagnent 200 fois le salaire des travailleurs au pays.
C’est bien fâcheux, car la vidéo aurait dû préciser que l’on parle des 100 PDG les plus riches, et non pas de l’ensemble des PDG canadiens, comme le laisse entendre la vidéo. C’est une bête omission involontaire, mais c’est tout de même une erreur importante! En effet, le PDG moyen au Canada n’a certainement pas un revenu dans les sept chiffres; au contraire, des déclarants de revenus d’entreprise (au Québec), il y en a à tous les échelons de revenus, selon cette étude récente dont je suis l’auteur (voir les graphiques 1 et 2). C’est d’ailleurs normal, car même les travailleurs autonomes sont considérés comme chef de leur propre entreprise, sans compter que 98% des PDG canadiens dirigent une petite entreprise (1 à 99 employés). La vidéo ne les prenait clairement pas pour cible. On peut d’ailleurs trouver une foule d’information au sujet des PME dans ce fascinant portrait dressé par Statistique Canada.
Les 100 PDG les plus riches
Ainsi, la vidéo aurait dû faire référence aux 100 PDG les plus riches, comparées aux revenus des travailleurs au Canada. D’où viennent donc ces données? La source est une étude produite par le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA), soutenant que ces 100 PDG gagnent 195 fois le revenu moyen d’un travailleur à temps plein au Canada. L’étude recense d’ailleurs que les revenus offerts à ces 100 PDG représentent une rémunération moyenne annuelle de 9,2 millions $ pour chacun d’eux, comparée aux 47 000$ empochés par le travailleur moyen en 2013. Ces montants sont évidemment avant impôts.
Autrement dit, une centaine d’individus se partagent près d’un milliard de dollars.
Les 100 PDG dont il est question dans cette étude travaillent pour l’une des 240 entreprises canadiennes enregistrées à la Bourse de Toronto (TSX). Leur rémunération est publiée dans les états financiers de leurs entreprises, qui sont publics. Elle englobe le salaire, les bonus, les actions et options d’achat d’action, les revenus de retraite et autres revenus, etc. L’étude détaille chaque type de revenu pour chaque individu. L’étude est fort bien faite, par ailleurs.
Les entreprises offrant la rémunération la plus élevée à leur PDG œuvrent dans l’exploitation des ressources naturelles (minières et pétrole), de même que dans les secteurs des télécommunications et des banques. Gerald Schwartz (Onex) est premier avec 88 M$ (!), suivi du PDG de Rogers (27 M$), Robert Dépatie de Québecor est 7e (14 M$), André Jr. et Paul Desmarais sont 50e et 51e (7,7 M$ chacun), suivi de Louis Vachon de la Banque Nationale (52e, 7,6 M$) et Pierre Karl Péladeau de Québecor, pour une année partielle (53e, 7,4 M$), avec Pierre Beaudoin (Bombardier) un peu plus loin, en 65e place (6,2 M$). Il y a très peu de Québécois (et aucune Québécoise) dans ce club sélect, qui regroupe au total 98 hommes et 2 femmes, Linda Hasenfratz (Linamar Corp., 66e) et Nancy C. Southern (Canadian Utilities and ATCO, 69e). D’ailleurs, puisque les femmes en général gagnent en moyenne 72% du revenu de leurs homologues masculins, ces 100 PDG ont une rémunération 237 fois supérieure à celui d’une travailleuse moyenne au Canada.
Comme quoi, les inégalités prennent différents visages.
Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Le mirador des inégalités, de l’Institut du Nouveau Monde.