8 juin 2015
L’éducation est l’un des piliers importants d’une démocratie forte et d’une société plus égalitaire. Il y a en effet un lien indissociable entre ces trois éléments.
Dans l’ouvrage Miser sur l’égalité, les auteurs Miriam Fahmy et Michel Venne soutenaient même que l’égalité est une exigence démocratique, rien de moins :
La démocratie porte en elle l’idée que tous les humains naissent et demeurent libres et égaux. L’idéal démocratique est un idéal d’égalité. Cet idéal implique entre autres que tous les humains ont le même droit, quelle que soit leur condition, de participer à la définition de ce qu’on appelle la volonté générale. Celle qui, traduite en lois, constitue la norme qui gouverne un territoire et un peuple.[i]
Au Québec, deux grands défis sapent les conditions qui assureraient à tous la possibilité de contribuer aux décisions politiques : alors que la participation citoyenne recule, les inégalités sociales augmentent, minant ainsi l’idéal démocratique.
En effet, il est reconnu que dans les sociétés les plus égalitaires, il y a davantage de participation citoyenne et l’ensemble des classes sociales est mieux représenté dans les institutions politiques. Des études ont souligné que les citoyens moins nantis ou socialement exclus votent en moins grand nombre, qu’ils contactent moins leurs élus, qu’ils manifestent plus rarement et qu’ils donnent moins de temps et d’argent dans le cadre d’une campagne électorale. Ils sont aussi moins représentés au sein d’institutions électives.
L’éducation, un levier déterminant de l’égalité politique
Des études reconnaissent aussi que le niveau d’éducation est un déterminant puissant de la participation citoyenne. À ce sujet, un article scientifique fort pertinent intitulé Can political inequalities be educated away? Evidence from a Swedish school reform examine les répercussions de la massification de l’éducation sur la probabilité que des individus provenant de milieux défavorisés – et donc politiquement sous-représentés – soient candidats à une élection.
Cette analyse se base sur les effets d’une réforme scolaire en Suède dans les années 1950, qui a allongé la durée de présence obligatoire à l’école et retardé la ségrégation des élèves selon leurs habiletés académiques.
Résultat? Cette réforme a permis de réduire 40 % de l’effet négatif de l’origine familial sur la probabilité qu’un citoyen se présente à un poste électif.
L’effet cégep
La Révolution tranquille québécoise des années 1960, qui a notamment porté la massification de l’éducation au secondaire, avait sensiblement les mêmes objectifs que la réforme suédoise. C’est-à-dire rendre l’éducation accessible à tous, notamment avec la création des cégeps.
Répartis sur l’ensemble du territoire québécois, les 48 cégeps permettent aux jeunes d’étudier dans leur région et ainsi de bénéficier davantage du soutien familial. Par ricochet, ils économisent les sommes dédiées au transport, au logement et aux autres coûts propres à la délocalisation liées aux études.
Mais c’est la philosophie même du cégep qui en fait une institution unique en Amérique du Nord : la volonté de créer une communauté éducative en favorisant un seul cheminement dans un même établissement, indépendamment de la nature de la formation. De futurs techniciens ainsi côtoient de futurs universitaires et professionnels, renforçant ainsi la cohésion sociale.
C’est en offrant à tous une formation générale porteuse de compétences polyvalentes, et en transmettant un patrimoine culturel commun, que la société forme des individus qui ne seront pas cantonnés dans leur domaine de spécialisation, réduisant ainsi les écarts sociaux.
En Suède, puisqu’il a été démontré que la réforme scolaire a eu de grands effets sur l’égalité des chances, il serait intéressant d’évaluer l’effet des réformes scolaires ayant déjà eu lieu au Québec. Cette étude éventuelle permettrait de mieux guider les réformes à venir.
Référence
[i] Miriam Fahmy et Michel Venne (2014), « L’égalité : une exigence démocratique », dans Alain Noël et Miriam Fahmy, Miser sur l’égalité, Montréal : Fides, p. 133.
Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Le mirador des inégalités, de l’Institut du Nouveau Monde.