11 mai 2015
Selon un sondage Léger/INM paru l’automne dernier, 70% des Québécois estiment que la réduction des inégalités devrait être une priorité pour nos gouvernements. Les nombreux problèmes générés par des écarts de revenus grandissants rendent ce résultat peu surprenant.
Il y a quelques semaines l’INM a demandé à un panel d’experts de se prononcer sur les mesures comprises dans le budget provincial. Le constat de ce Bulletin du budget était clair: le dernier budget Leitão aura malheureusement pour effet d’augmenter les inégalités, méritant au gouvernement tout juste la note de passage.
Nous avons repris le même exercice avec 21 de nos panélistes. L’évaluation est sans appel: le budget risque encore plus d’aggraver les inégalités sociales que son vis-à-vis provincial. C’est un sévère avertissement.
Le bulletin du budget
Selon le sondage cité plus haut, trois répondants sur quatre souhaitent que soient mesurés et documentés les impacts sur les inégalités des réformes fiscales et sociales adoptées par les gouvernements. Le budget 2015 du gouvernement du Canada est une belle occasion d’appliquer ce principe.
C’est pourquoi l’INM a sollicité l’avis d’un panel d’experts, composé de 21 économistes et spécialistes des politiques publiques de tous les horizons, pour qu’ils se prononcent sur les effets et les impacts qu’auront, à leur avis, les mesures contenues dans le premier budget Oliver sur les inégalités. L’objectif: produire un Bulletin du budget fédéral.
Le résultat de l’analyse prend la forme d’une note exprimée par une lettre: A+ indique que l’ensemble des mesures analysées réduirait beaucoup les inégalités, E indique que l’ensemble des mesures augmenterait beaucoup les inégalités.
La méthodologie, développée par l’INM, a été utilisée avec succès lors du précédent exercice. C’était une première qui reçut une bonne couverture médiatique (RDI économie et Canal Argent). Gérald Fillion a également publié sur la page Facebook de RDI économie le lien vers l’étude et il n’a pas tari d’éloges: «C’est fou combien ce rapport s’appuie sur des faits, des positions modérées, nuancées, analysées, fouillées, réfléchies…»
Résultat de l’analyse
Alors qu’une vaste majorité de Québécois veulent que leurs gouvernements réduisent les inégalités économiques et sociales, le dernier budget fédéral aura malheureusement pour effet de les augmenter, de l’avis des panélistes consultés. Avec un effet global de -0,5, cette estimation vaut au budget la note D+, soit moins que la note de passage. La liste des effets pour chaque mesure est rassemblée dans le graphique ci-dessous.
Effet global des mesures principales du budget fédéral 2015 sur les inégalités
Trois mesures auront pour effet de réduire les inégalités selon notre panel, soit l’accroissement dans certains cas de l’accès aux bourses pour étudiants, la prolongation des prestations de compassion, ainsi que l’augmentation et l’élargissement des prestations universelles pour garde d’enfants.
Inversement, un grand nombre des mesures du budget présenté par le ministre Oliver auront plutôt pour effet d’augmenter les inégalités. Ce sera particulièrement le cas pour le doublement du plafond de cotisations pour un compte CELI, le fractionnement du revenu pour les familles et la limitation du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.
La réallocation des cotisations d’assurance-emploi, la réduction du taux d’imposition des petites entreprises et le projet de loi sur l’équilibre budgétaire sont également jugés comme des mesures à même d’accroître les inégalités.
Dans l’ensemble, non seulement l’effet moyen des mesures est largement négatif, mais le nombre de mesures analysées augmentant les inégalités est de loin supérieur au nombre de celles qui les réduisent (8 contre 3, une ayant un effet nul).
En analysant de façon sectorielle ces effets, nous remarquons que l’augmentation des inégalités résultera autant de mesures budgétaires, de mesures économiques que de mesures fiscales. Les mesures fiscales auront toutefois l’effet le plus important, alors que les mesures économiques auront l’effet le moins important.
Au final, certaines mesures sont plus complexes que d’autres et ont des effets opposés, ambigus ou contradictoires. Ces nuances nous rappellent les limites d’un tel exercice estimatif. Des études de cas et des évaluations plus poussées permettraient d’approfondir notre connaissance à cet égard, répondant à un besoin bien identifié par la population.
Ce billet a d’abord été publié sur le blogue Le mirador des inégalités, de l’Institut du Nouveau Monde.